Restriction des Mouvements Spinaux : Une Nouvelle Ère dans les Soins Préhospitaliers

Planche d'immobilisation de la colonne vertébrale

Scénario 1 : Une Nuit d’Hiver Glaciale

Il fait un froid glacial, et vous êtes appelé à intervenir sur un accident de la route. Le patient, un homme de 68 ans, est toujours assis dans sa voiture à votre arrivée. Il est alerte et orienté, ne rapporte aucune douleur cervicale ni symptôme neurologique, et nie toute sensation de faiblesse. Historiquement, il aurait été immobilisé avec un collet cervical et placé sur une planche dorsale. Mais est-ce encore nécessaire ?

Scénario 2 : Une Chute en Randonnée

Lors d’une randonnée, un de vos amis perd l’équilibre et tombe sur une pente rocheuse, d’une hauteur de 10 mètres. Il est conscient mais désorienté et incapable de suivre les consignes. Vu le mécanisme de la blessure et son état mental altéré, des précautions spinales semblent essentielles. Comment procédez-vous ?

Ces deux scénarios illustrent les nuances et les défis de la prise en charge des blessures spinales potentielles sur le terrain. Le paradigme passe de l’immobilisation spinale rigide à la Restriction des Mouvements Spinaux (RMS), une approche centrée sur le patient, soutenue par des recherches et des protocoles en évolution.

La Remise en Question de l’Immobilisation Spinale Traditionnelle

Pendant des décennies, l’immobilisation spinale a été la pierre angulaire des soins en traumatologie. Cependant, des recherches, notamment l’étude révolutionnaire de Hauswald en 1998, ont remis en question son efficacité. Dans l’étude réalisée en Malaisie, Hauswald a comparé des patients traumatisés traités avec et sans immobilisation spinale. Les résultats ? Aucune différence significative dans les résultats, suggérant que l’immobilisation pourrait être inutile dans de nombreux cas. De plus, la force nécessaire pour causer une lésion secondaire à la colonne vertébrale s’est avérée bien plus élevée qu’on ne le pensait auparavant, en particulier lors de la manipulation courante des patients.

Ces éléments ont conduit des organisations comme ITLS à réviser leurs directives, avec la 6e édition en 2012 préconisant des précautions spinales plus sélectives. Aujourd’hui, ces concepts gagnent du terrain dans les protocoles du monde entier, notamment dans les protocoles québécois de 2023 (PICPSP 2023).

Qu’est-ce que la Restriction des Mouvements Spinaux (RMS) ?

La RMS met l’accent sur le maintien de l’alignement spinal tout en minimisant l’immobilisation inutile. Contrairement aux approches traditionnelles, qui s’appuyaient souvent sur des collets rigides et des planches dorsales pour tous les patients traumatisés, la RMS adapte les soins en fonction de la présentation clinique et du mécanisme de la blessure.

Principes Clés de la RMS :

  • Jugement clinique: Mise en avant de l’évaluation du patient, y compris la fonction neurologique et la sensibilité spinale.
  • Application sélective: Tous les patients traumatisés ne nécessitent pas de précautions spinales. Des facteurs comme le mécanisme de la blessure et la stabilité du patient orientent les décisions.
  • Confort et Sécurité: Favorise le confort du patient et minimise les complications liées à l’immobilisation rigide, comme les plaies de pression et la détresse respiratoire.

Le Protocole Danois : Une Approche Simple et Efficace

Le protocole spinal danois (illustré par le diagramme ci-dessous) simplifie la prise de décision pour les intervenants préhospitaliers. Son approche étape par étape prend en compte :

  • Le mécanisme de la blessure (par exemple, traumatisme pénétrant isolé vs traumatisme contondant).
  • Les résultats cliniques tels que les déficits neurologiques ou la sensibilité spinale.
  • La stabilité du patient et sa capacité à coopérer.

Les patients sont classés en trois catégories :

  1. Aucune Stabilisation Spinale: Pour ceux sans constatations ou mécanismes préoccupants.
  2. Stabilisation Spinale: Appliquée en présence de sensibilité osseuse ou de symptômes neurologiques.
  3. Stabilisation Spinale Chrono-dépendante: Se concentre sur le transport urgent tout en minimisant les mouvements spinaux.

Les Protocoles Québécois 2024 : La RMS en Fin Prête sur le Terrain

Les nouveaux protocoles québécois (PICPSP 2023) adoptent le terme « Restriction des mouvements spinaux » (RMS), signalant un virage par rapport à l’immobilisation traditionnelle. Ces protocoles mettent l’accent sur :

  • Évaluation primaire: Identifier les patients instables nécessitant des soins immédiats.
  • Gestion Efficace de la Scène: Minimiser le temps passé sur place, en particulier pour les patients instables.
  • RMS Sélective: Seuls les patients avec des mécanismes ou constatations significatifs subissent la RMS, réduisant ainsi les interventions inutiles.

Cette évolution s’aligne avec les tendances mondiales vers des soins basés sur les preuves et centrés sur le patient.

Implications Pratiques pour les Intervenants d’Urgence

Retour aux scénarios :

  • Scénario 1: L’homme de 68 ans sans douleur cervicale ni symptômes neurologiques n’a probablement pas besoin de RMS. Une évaluation approfondie et une éducation du patient peuvent prévenir le surtraitement et améliorer le confort.
  • Scénario 2: La désorientation et la chute du randonneur justifient la RMS. En utilisant les principes de la RMS, les intervenants prioriseraient l’alignement spinal, stabiliseraient le patient pour le transport et traiteraient son état mental altéré.

En adoptant la RMS, les intervenants d’urgence peuvent améliorer les résultats tout en réduisant les interventions inutiles et l’inconfort des patients. Cela réduit également le temps sur la scène.

Message Clé : Les Preuves Plutôt que la Tradition

Le passage de l’immobilisation spinale à la RMS représente une avancée significative dans les soins aux traumatisés. Soutenue par la recherche et reflétée dans les protocoles modernes, la RMS garantit que les patients reçoivent des soins appropriés et individualisés.

Êtes-vous prêt à intégrer la RMS dans votre pratique ? Comprendre ces principes peut faire toute la différence pour vos patients.

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